Loi foncière : Renforcer les pouvoirs de la Safer ne permettra pas de panser les maux du monde agricole

Par les notaires membres des GIE RURANOT, ACTERRA et JURISVIN


La grande loi foncière promise par le gouvernement ne verra pas le jour durant ce quinquennat, mais le parti majoritaire a tout de même souhaité proposer un nouvel arsenal législatif pour renforcer la régulation du marché des terres agricoles. Portée par Jean-Bernard Sempastous, député LREM des Hautes-Pyrénées, la proposition de loi actuellement examinée par les parlementaires entend davantage encadrer la cession de parts sociales des sociétés qui détiennent ou exploitent du foncier agricole. Elle vise à éviter l’accaparement et la concentration excessive des terres, mais également à favoriser le renouvellement des générations et à assurer la souveraineté alimentaire de la France. Pour y arriver, le législateur propose de doter la Safer d’un pouvoir de contrôle bien plus important que ses prérogatives actuelles. Difficile à croire que ce renforcement des pouvoirs du régulateur des marchés fonciers soit LA solution aux défis auxquels le monde agricole fait face.


La loi Sempastous entend contribuer à la souveraineté alimentaire de la France. Nous pouvons nous interroger en quoi renforcer le contrôle des sociétés qui détiennent du foncier peut répondre à cet objectif. Ne faudrait-il pas plutôt se focaliser sur le projet porté par l’entreprise agricole, sur la destination donnée aux surfaces exploitées ou encore sur l’orientation des productions choisies ? Bref, instaurer un contrôle basé sur la mise en valeur des terres, plutôt que sur leur propriété.


Le texte a également pour ambition de « favoriser l’installation d’agriculteurs et le renouvellement des générations » et de « tendre à faciliter l’accès au foncier ». Or, les sociétés de portage de foncier, véritable outil répondant à ces objectifs, pourraient voir leurs opérations entravées par la nouvelle législation, puisque les détenteurs de parts seraient, selon les cas, soumis à contrôle. Pour un meilleur accès au foncier la proposition de loi entend « contrôler le respect des prix du marché », mais ne prévoit aucune procédure pour le faire.


Jusqu’à présent, seules les cessions portant sur la totalité des parts d’une société agricole faisaient l’objet d’un contrôle de la Safer. La proposition de loi foncière va bien plus loin. La Safer pourrait à l’avenir contrôler toutes les cessions de parts qui conduiraient, pour le cessionnaire, à la prise de contrôle d’une société (plus de 40 % des droits de vote) et à la détention d’une surface totale dépassant un seuil fixé par rapport à la surface agricole utile moyenne régionale. Les sociétés contrôlées ne seraient plus limitées aux seules structures agricoles. Le texte envisage un contrôle de toutes les sociétés qui détiennent ou exploitent des biens à usage ou à vocation agricole. Serait donc concerné tout type de société, peu importe que leur objet social soit agricole ou non.


Cette expansion du champ d’intervention de la Safer nous interroge sur la manière dont ce nouveau super contrôle pourrait s’articuler d’une part avec le statut du fermage et le droit des sociétés, et d’autre part, avec l’outil déjà en place qu’est le contrôle des structures. Sans remettre en cause la légitimité de l’encadrement utile exercé par la Safer, ne serait-ce pas ce contrôle des structures sur lequel notre législateur devrait se pencher, en améliorant le dispositif ?

A propos de


RURANOT est un groupement de notaires experts en droit agricole, viticole, forestier et droit de
l’environnement, créé en 2019. Au plus près des territoires, ses membres sont présents dans toute la
France pour apporter un conseil éclairé et leur expertise au service du monde rural.


ACTERRA est un réseau d’études notariales implantées dans les territoires ruraux. Il est composé d’une équipe regroupant des spécialistes des secteurs agricole, viticole et forestier qui conseillent et accompagnent leurs clients dans la gestion de leur patrimoine.


JURISVIN est un groupement de notaires spécialistes du droit de la vigne et du vin. Ses membres assurent un conseil de proximité grâce à leur implantation, au coeur des zones de production viticole. Créé en 1999, JURISVIN assure une mise en réseau des savoirs, au service de l’efficacité.

Catégories : Droit agricole