Au décès de l’exploitant et afin d’éviter le morcellement de la structure agricole entre les membres de la famille, le conjoint survivant ou l’un des héritiers qui continue l’exploitation peut demander que cette dernière lui soit attribuée, avec ou contre la volonté des autres héritiers. On parle alors de l’attribution préférentielle de l’exploitation agricole.
Les membres du GIE Ruranot vous apportent leur éclairage sur le sujet de l’attribution préférentielle qui peut revêtir plusieurs formes et dont le cadre réglementaire est fixé par les articles 831 et suivants du Code civil.
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Conditions pour demander l’attribution préférentielle de l’exploitation agricole
Selon l’article 831 du Code civil, le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire peut demander l’attribution préférentielle par voie de partage, à charge de soulte s’il y a lieu, de toute entreprise ou partie d’entreprise agricole, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ou quote-part indivise d’une telle entreprise, même formée pour une part de biens dont il était déjà propriétaire ou copropriétaire avant le décès, à l’exploitation de laquelle il participe ou a participé effectivement. Dans le cas de l’héritier, la condition de participation peut être ou avoir été remplie par son conjoint ou ses descendants.
Les règles de l’attribution préférentielle s’appliquent que l’exploitation agricole soit sous la forme individuelle ou sociétaire. Dans ce deuxième cas, la demande d’attribution préférentielle peut porter sur des parts sociales, sans préjudice de l’application de dispositions légales ou clauses statutaires sur la continuation de la société avec le conjoint survivant ou un ou plusieurs héritiers (article 831, alinéa 2 du Code civil).
Pour demander l’attribution préférentielle, le conjoint survivant ou l’héritier copropriétaire doit donc participer à la mise en valeur de l’exploitation ou avoir participé à cette mise en valeur.
Pour caractériser la notion d’entreprise agricole, condition de l’attribution préférentielle, un arrêt récent de la Cour de cassation (Cass.1ère.civ. 23-3-2022, n°20-22.567 F-D), a jugé qu’il peut être tenu compte des terres appartenant au conjoint du demandeur de l’attribution en plus des terres soumises à un bail, qui font l’objet de la demande.
Respect du principe d’égalité des héritiers
La possibilité pour le conjoint ou un héritier de demander l’attribution préférentielle est conditionnée au respect du principe de l’égalité des héritiers. Cela signifie qu’en l’absence d’autres biens dans la succession du défunt qui pourraient compenser cette attribution de l’entreprise agricole, le bénéficiaire devra indemniser les cohéritiers par le moyen de soultes.
A défaut d’accord amiable entre les successibles, le tribunal judiciaire devra être saisi. Les intérêts en présence seront pris en considération pour accorder ou refuser l’attribution préférentielle.
Selon l’article 832 du Code civil, l’attribution préférentielle est de droit si l’exploitation agricole a une superficie inférieure à un maximum fixé pour chaque département (Arrêté du 22 août 1975 relatif aux limites de superficie donnant droit à l’attribution préférentielle des exploitations agricoles).
C’est au jour du partage définitif de la succession que l’indivision cesse et que la propriété de l’exploitation est acquise au bénéficiaire de l’attribution préférentielle (article 834 du Code civil).
Il est possible que l’attribution préférentielle soit demandée par plusieurs successibles, soit pour l’ensemble de l’entreprise agricole, soit pour une partie seulement. En cas de demande concurrente, le tribunal judiciaire choisit l’attributaire en fonction des intérêts en présence, mais également de l’aptitude à gérer l’exploitation et à s’y maintenir. Un ou plusieurs copartageants peuvent être désignés attributaires.
L’attribution préférentielle en vue de constituer un GFA familial
L’article 832-1 du Code civil indique que si le maintien dans l’indivision n’a pas été ordonné et à défaut d’attribution préférentielle en propriété (comme expliqué précédemment), le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire peut demander l’attribution préférentielle de tout ou partie des biens et droits immobiliers à destination agricole dépendant de la succession en vue de constituer avec un ou plusieurs cohéritiers et, le cas échéant, un ou plusieurs tiers, un groupement foncier agricole (GFA).
Cette attribution est de droit, si le conjoint survivant ou un héritier copropriétaire qui remplit les conditions de participation à l’exploitation, exige que lui soit donné à bail à long terme tout ou partie des biens du GFA. Les cohéritiers qui ne consentent pas à la formation du GFA doivent être indemnisés par le biais d’une soulte qui doit leur être versée dans l’année qui suit le partage.
En cas de pluralité de demandes, les biens du groupement peuvent, si leur consistance le permet, faire l’objet de plusieurs baux bénéficiant à des cohéritiers différents. (Article 832-1, al. 3 du Code civil).
L’attribution préférentielle de l’exploitation agricole à un successible non exploitant
L’article 831-1 du Code civil prévoit le cas où aucun successible participant ou ayant participé à l’exploitation ne demande l’attribution préférentielle. Dans ce cas, l’attribution préférentielle prévue en matière agricole peut être accordée à tout copartageant sous la condition qu’il s’oblige à donner à bail dans un délai de six mois le bien considéré, à un ou plusieurs des cohéritiers remplissant les conditions personnelles prévues à l’article 831 ou à un ou plusieurs descendants de ces cohéritiers remplissant ces mêmes conditions.
Partage de l’exploitation avec engagement de signer un bail à long terme à un des successibles
L’article 832-2 du Code civil énonce que si une exploitation agricole constituant une unité économique et non exploitée sous forme sociale n’est pas maintenue dans l’indivision et n’a pas fait l’objet d’une attribution préférentielle, le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire qui désire poursuivre l’exploitation à laquelle il participe ou a participé effectivement peut exiger, que le partage soit conclu sous la condition que ses copartageants lui consentent un bail à long terme, sur les terres de l’exploitation qui leur échoient. Dans le cas de l’héritier, la condition de participation peut avoir été remplie par son conjoint ou ses descendants. Sauf accord amiable entre les parties, celui qui demande à bénéficier de ces dispositions reçoit par priorité dans sa part les bâtiments d’exploitation et d’habitation.
Le deuxième alinéa de l’article 832-2 du Code civil énonce que ces dispositions sont applicables à une partie de l’exploitation agricole pouvant constituer une unité économique. Cette unité économique peut être formée, pour une part, de biens dont le conjoint survivant ou l’héritier était déjà propriétaire ou copropriétaire avant le décès.
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