Soumis aux règles du statut du fermage avec des particularités qui lui sont propres, le bail à métayage est surtout utilisé dans certaines régions viticoles françaises. Un bail auquel s’intéresse les membres de Ruranot dans cet article.
1. UN BAIL DIFFERENT DU BAIL RURAL CLASSIQUE
Le bail à métayage est soumis aux règles du statut du fermage et les dispositions le concernant sont mentionnées aux articles L 417-1 à L 417-15 du Code rural et de la pêche maritime (CRPM).
A la grande différence du bail rural dit bail à ferme, le bail à métayage ne prévoit pas une rémunération fixe et encadrée pour le propriétaire. En effet, le bail à métayage assure au bailleur un loyer qui représente une part des produits de l’exploitation, dont la masse peut varier.
Ainsi, l’article L 417-1 du CRPM énonce que le bail à métayage est le contrat par lequel un bien rural est donné à bail à un preneur qui s’engage à le cultiver sous la condition d’en partager les produits avec le bailleur.
2. FIXATION DU LOYER
A/ PARTAGE DES PRODUITS DE L’EXPLOITATION
Concernant la fixation du loyer, en principe, le partage des produits de l’exploitation s’effectue selon la règle du tiercement où un tiers des produits au maximum revient au bailleur et les deux autres tiers au locataire, appelé métayer. Il est donc possible de prévoir une répartition d’un quart des produits pour le bailleur et des trois quarts pour le métayer.
L’article L 417-3 du Code rural et de la pêche maritime prévoit que la part du bailleur ou prix du bail ne peut être supérieure au tiers de l’ensemble des produits, sauf décision contraire du tribunal paritaire. En conséquence, le preneur ne peut être astreint, en sus de la part de produits revenant au bailleur, à aucune redevance, prestation ou service soit en nature, soit en argent, soit en travail, quelle qu’en soit la forme ou l’origine. Le propriétaire ne peut récupérer le montant par une modification des conditions du partage.
Ces dispositions sont d’ordre public.
B/ PARTAGE DES DEPENSES
Concernant le partage des dépenses de l’exploitation, l’article L 417-3 du CRPM prévoit qu’une dérogation au partage des dépenses d’exploitation entre le preneur et le bailleur peut être autorisée par le préfet du département après avis de la commission consultative paritaire départementale des baux ruraux.
Cette possibilité, introduite par la loi de 2006, est venue consacré un usage ancien dans certaines régions viticoles, en particulier la Champagne, qui a créé et pratique le « quart franc » : un quart des produits pour le bailleur, « franc » en ce qu’il ne participe pas du tout aux charges de l’exploitation.
Si rien n’est prévu dans le contrat qui lie les deux parties, le partage des dépenses est réalisé selon les mêmes règles que le partage des produits.
D’un point de vue fiscal, les loyers touchés par le bailleur ne sont pas considérés comme des revenus fonciers mais du bénéfice agricole pour le calcul de l’impôt.
Dans un arrêt de la Cour de cassation en date du 12 septembre 2024, (n° 23-12.417, FS-D) les juges ont précisé qu’un métayer qui avait livré pendant plusieurs années à son bailleur plus de produits que ne l’exigeait la règle du tiercement ne pouvait pas réclamer le remboursement de ce trop-perçu. Ils ont estimé que le métayer avait renoncé de manière délibérée et non équivoque à se prévaloir de sa part des deux tiers pour les années en cause.
3. DUREE DU BAIL
Le bail à métayage est soumis au statut du fermage. Il a donc soit une durée de neuf ans, soit une durée prévue par les dispositions applicables aux baux à long terme. L’article L 417-2 du Code rural et de la pêche maritime précise toutefois que le bail à métayage est résiliable tous les trois ans à la volonté du preneur qui doit donner préavis dans les délais conformes aux usages locaux avant l’expiration de chaque période triennale.
Le bailleur ne bénéficie pas de cette possibilité de résilier le contrat tous les trois ans. Ce sont les dispositions du statut du fermage qui s’appliquent à lui. Toutefois, l’article L 417-9 du CRPM précise qu’en raison de destructions subies par les biens loués qui compromettraient gravement l’équilibre économique de l’exploitation, le métayer et le bailleur peuvent demander la résiliation du bail.
4. CONVERSION D’UN BAIL A METAYAGE EN BAIL A FERME
A/ A PARTIR DE LA TROISIEME ANNEE DU BAIL INITIAL
Il est possible de convertir un bail à métayage en bail à ferme.
L’article L 417-11 du CRPM précise les conditions dans lesquelles cette conversion est possible.
Elle peut être réalisée à l’expiration de chaque année culturale à partir de la troisième année du bail initial, si le propriétaire ou le preneur en fait la demande au moins douze mois auparavant.
B/ CONVERSION PAR VOIE JUDICIAIRE
Cette conversion peut être prononcée par le tribunal paritaire des baux ruraux dans les cas suivants :
1° lorsque le propriétaire n’entretient pas les bâtiments ;
2° lorsque le propriétaire se refuse à participer au moins en proportion de sa part dans les bénéfices aux investissements en cheptel ou en matériel indispensables à l’exploitation ;
3° lorsque, en raison d’une clause du bail ou d’un accord entre les parties, le preneur est propriétaire de plus de deux tiers de la valeur du cheptel et du matériel ;
4° lorsqu’une constante collaboration personnelle entre les parties n’a pu être assurée.
Ce même article prévoit que la conversion ne pourra être refusée lorsque la demande sera faite par le métayer en place depuis huit ans et plus.
A noter que plusieurs arrêts récents (Cass.3ème civ, 12 septembre 2024, n°23-12.417), tempèrent ce principe de conversion « automatique », en déclarant qu’il appartient au juge de rechercher concrètement si la conversion d’un métayage en fermage, en ce qu’elle prive le bailleur de la perception en nature des fruits de la parcelle louée et en ce qu’elle est dépourvue de tout système effectif d’indemnisation, ne porte pas une atteinte disproportionnée aux intérêts légitimes du bailleur.
Le tribunal paritaire peut limiter la conversion du bail à une partie de l’exploitation, à la demande du preneur, si l’opération est justifiée d’un point de vue agricole (article L 417-14 du CRPM)
La conversion en bail à ferme prend effet le premier jour de l’année culturale qui suit celle en cours à la date de la demande de conversion (article L 417-15 du CRPM).
En aucun cas une demande de conversion ne peut être considérée comme une rupture de contrat, ni justifier une demande de reprise du propriétaire.
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