Poursuivant l’objectif de préserver la qualité des sites, paysages, milieux et champs naturels d’expansion des crues et afin d’assurer la sauvegarde des habitats naturels, l’État, notamment par l’action des départements, met en place une politique de gestion, de protection, mais également d’ouverture au public de ces espaces naturels sensibles.
Parmi les prérogatives dont il dispose pour élaborer cette politique et sa mise en œuvre, figure un droit de préemption spécial prévu par les articles L 113-14 et suivants du Code de l’urbanisme.
Rappels liminaires sur le droit de préemption
Le droit de préemption est la faculté pour une personne de se porter acquéreur en lieu et place, c’est-à-dire prioritairement, à tout autre acheteur, lors d’une vente immobilière.
Cette pratique, qui restreint la liberté contractuelle des parties à une transaction immobilière, est toujours justifiée par un principe d’intérêt public, comme réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d’enseignement supérieur, lutter contre l’insalubrité et l’habitat indigne ou dangereux, permettre le renouvellement urbain, etc.
Le droit de préemption dans les espaces naturels sensibles est quant à lui justifié par la nécessaire maîtrise des espaces fonciers du territoire, présentant des enjeux environnementaux importants, nécessitant leur préservation.
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Les espaces concernés
D’une part, les périmètres dans lesquels le droit de préemption des espaces naturels sensibles peut s’effectuer sont délimités par le département ou un établissement public (dont la liste est fixée à l’article L 143-16 du Code de l’urbanisme), à condition d’être compatibles avec le plan local d’urbanisme, les schémas de cohérences territoriale et les chartes intercommunales de développement et d’aménagement. Accompagnés d’un plan de situation et d’un plan de délimitation, les programmes liés aux espaces naturels et sensibles sont soumis à l’avis de la chambre départementale d’agriculture et à enquête publique.
D’autre part, le droit de préemption des espaces naturels sensibles ne peut porter que sur les biens suivants :
- Les terrains non bâtis ;
- Les droits sociaux donnant vocation à l’attribution en propriété ou en jouissance de terrains.
L’article L 113-17 du Code de l’urbanisme fixe la liste des biens exclus du droit de préemption des espaces naturels sensibles.
Le droit de préemption peut, de manière exceptionnelle, s’exercer sur un terrain bâti lorsque le terrain présente une dimension suffisante pour justifier son ouverture au public et que par sa localisation, il est nécessaire à la mise en œuvre de la politique des espaces naturels sensibles du département.
Par ailleurs, le 25 juin 2021, le Sénat a adopté un amendement au projet de loi climat qui permet d’étendre ce droit de préemption au titre des espaces naturels sensibles aux donations entre vifs, sauf entre ascendants et descendants ou entre époux ou partenaires.
La procédure
Le droit de préemption étatique des espaces naturels sensibles est une prérogative, qui est déléguée aux départements ou, par substitution, au Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres, à un établissement public chargé d’un parc national, d’un parc naturel régional ou de la gestion d’une réserve naturelle ou un EPCI.
Lorsqu’un propriétaire d’un bien situé dans une zone de préemption des espaces naturels sensibles souhaite en transférer la propriété, il doit envoyer au département une déclaration d’intention d’aliéner. Il peut également demander au notaire chargé d’instrumenter la vente (ou la donation) d’effectuer cette déclaration d’intention. Le notaire se fera dûment mandater pour accomplir une telle formalité.
Lorsque le conseil départemental est concerné, il dispose de 2 mois à compter de la déclaration pour préempter le bien. S’il s’agit du Conservatoire du Littoral, ce dernier dispose de 75 jours. Quant à la commune elle bénéficie d’un délai de 3 mois.
Le défaut de réponse de ces différents acteurs vaut renonciation à préempter.
Les parties sont libres de fixer le prix de vente du bien préemptable. La préemption peut être exercée au prix, ou en révision de prix, sachant que s’il porte sur un montant supérieur à 180 000 euros, le bénéficiaire du droit de préemption doit saisir pour avis le service des domaines. En cas d’accord sur le prix, le bénéficiaire du droit de préemption doit réaliser la vente dans les quatre mois. S’il existe un désaccord sur le prix, le vendeur peut retirer le bien de la vente, ou saisir le juge de l’expropriation.
Une fois le terrain préempté, ce dernier doit être aménagé afin d’être ouvert au public, à moins de présenter des failles sécuritaires ou des risques d’atteinte au milieu naturel.
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