Au cours de la vie d’un bail rural, il arrive que les parcelles louées perdent leur destination agricole, il est alors dit qu’il y a changement de leur destination. Cet événement offre la possibilité au bailleur de mettre fin au bail rural.
Dans la prolongation de notre série s’intéressant aux baux ruraux, il apparaît opportun pour le réseau Ruranot d’analyser cette spécificité prévue par l’article L. 411-32 du Code rural et de la pêche maritume.
Résiliation de plein droit ou sur autorisation
Il existe des situations où la résiliation pour changement de destination se fait de plein droit, c’est-à-dire que le propriétaire peut à tout moment résilier le bail, et ce sans autorisation préalable.
Cette hypothèse concerne les parcelles classées en zones urbaines, par un plan local d’urbanisme (PLU), par exemple avec pour conséquence directe de les rendre constructibles.
En dehors de ce cas de figure, la résiliation pour changement de destination devra être autorisée par le préfet, dans un délai de quatre mois suivant la demande et à la suite à l’avis de la Commission Consultative des Baux Ruraux. Cela concerne notamment les parcelles classées en zone naturelle ou zone à urbaniser.
Si la résiliation est accordée, ou dans l’hypothèse d’une résiliation de plein droit, la lettre de congé adressée au preneur de la parcelle obéit à un formalisme particulier.
Les conditions de la résiliation
La notification doit obligatoirement être faite par voie d’huissier, en précisant que le bailleur s’engage à changer ou faire changer la destination des terres, au plus tard dans les trois ans qui suivent la résiliation du bail, en plus d’être accompagnée des documents d’urbanisme justifiant le nouveau classement de la parcelle, et de l’autorisation administrative lorsque celle-ci est requise.
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La résiliation effective du bail n’intervient qu’un an après la notification du congé et, comme la résiliation du bail pour changement de destination est un événement imprévu pouvant générer une perte d’exploitation pour le preneur des terres, une indemnité compensatrice lui est versée, à la seule condition que son obligation de libérer les terres intervienne avant la date d’expiration du bail.
Cette indemnité doit être payée au preneur avant son départ ; le cas échéant, il est en droit de se maintenir sur les parcelles, et ce jusqu’à ce que soit achevée totalement l’année sur laquelle il a finalement reçu le paiement.
Concernant le preneur, il dispose de son côté de la possibilité de contester le congé, et peut pour cela saisir le Tribunal paritaire des baux ruraux, dans les quatre mois qui suivent la réception du congé.
Lorsque la résiliation du bail rural est de plein droit, le preneur ne peut s’y opposer sauf s’il y a non-respect du formalisme lié à la délivrance du congé.
Autrement, deux situations peuvent se présenter : soit le changement de destination entraîne une résiliation totale du bail, soit la résiliation est simplement partielle (uniquement sur les parcelles concernées par le nouveau classement) ; situation qui vient alors modifier le contrat de bail, notamment les clauses relatives à la surface et au loyer.
Etant précisé que lorsque le fermier estime que la résiliation partielle a pour conséquence directe de compromettre l’équilibre économique de son exploitation, il peut demander que la résiliation du bail rural soit totale.
Nhésitez pas à consulter un notaire Ruranot qui saura analyser avec vous toutes les conséquences de l’opération envisagée pour vous conseiller la meilleure stratégie à adoptée.
2 commentaires
Kayser Jean · 11/22/2021 à 1:24 pm
Il y a deux semaines je vous ai sollicité pour connaitre le conditions de résiliation d’un bail rural lequel a été concrétisé par la remise d’un chèque sans aucune consultation préalable et dans l’ignorance de telle pratique,il s’agit de 75 ares de pré en six parcelles,le bailleur(ancien agriculteur)n’a plus d’animaux et s’est reconverti en viticulteur,il s’oppose à la restitution des 6 parcelles arguant que le fait d’avoir règlé
le fermage par chèque cela fait office de bail
Merci de votre réponse
Maître Christophe Gourgues · 11/29/2021 à 6:31 pm
Le bail rural, lorsqu’il est verbal, se caractérise selon l’article L 411-1 du Code rural, par le fait remplir 4 conditions cumulatives :
– une mise à disposition
– à titre onéreux (l’acceptation d’un chèque en constitue la preuve)
– d’un immeuble (des terrains par exemple) à usage agricole
– pour exercer l’activité agricole (la viticulture est une activité agricole).
Si vous n’avez pas encaissé le chèque, retournez le à l’intéressé pour dénoncer le fait que vous soyez en présence d’un bail rural.
Sinon, l’intéressé peut effectivement prétendre qu’il est en présence d’un bail rural soumis au statut du fermage, mais vous pourriez alors lui répondre que vous êtes en présence d’un bail dit « de petites parcelles » (à vérifier la superficie dans votre région, en demandant par exemple à la chambre d’agriculture). Si c’est le cas, la durée minimale de 9 ans est facultative ; on peut faire application des articles 1774, 1775 du Code civil. De même que déroge aux règles habituelles du statut du fermage, le congé et renouvellement du bail : pas de droit au renouvellement du bail (application des articles 1737, 1738 du Code civil).
Voilà qui j’espère vous éclairera.